La France ratifie aujourd’hui le Statut de la Cour pénale internationale

09/06/2000
Communiqué

L’Ambassadeur de France auprès des Nations Unies déposera cette après-midi l’instrument de ratification de la France du Statut de la Cour pénale internationale.

La FIDH se félicite que la France devienne ainsi le 12ème pays à ratifier le Statut. La CPI entrera en vigueur lorsque 60 Etats auront ratifié le Statut adopté à Rome, instituant la première juridiction pénale internationale permanente, compétente pour juger les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le génocide et le crime d’agression.

« La ratification par la France du Statut de la CPI était attendue. Il était souhaitable que la France figure parmi les premiers pays à le faire. Cette ratification doit être un signal fort adressé notamment aux autres pays de l’Union européenne pour qu’ils fassent de même rapidement. En effet, le temps presse, et si le rythme des ratifications ne s‘accélère pas (12 ratifications en quasiment deux ans), la CPI ne verra pas le jour avant 2004/2005.

La FIDH ne peut qu’à nouveau regretter l’utilisation de l’article 124 que rien ne justifie. Ceux qui en ont été les inspirateurs doivent comprendre que cette disposition n’ayant aucun fondement, il serait normal et souhaitable que la France y renonce au plus vite. La FIDH rappelle que la volonté politique de la France de coopérer de façon effective avec la CPI dépendra du contenu de la loi d’adaptation de sa législation pénale à propos de laquelle elle souhaite un débat rapide et transparent. La FIDH demande qu’à cette occasion, soient renforcés et élargis les mécanismes permettant l’exercice de la compétence universelle en France relatifs aux crimes relevant de la compétence de la Cour. »

Pour rappel, les 22 février et 22 mars dernier les députés et sénateurs français ont respectivement adopté le projet de loi autorisant la ratification du Statut de Rome créant la CPI. Une grande majorité d’entre eux étaient cependant défavorables à la volonté exprimée par la France depuis le 18 juillet 1998, de décliner la compétence de la Cour pour les crimes de guerre pendant une période de sept ans, possibilité offerte par le Statut à l’article 124, introduit à Rome par la délégation française elle-même.

Pourtant, en vertu du principe de complémentarité entre la Cour et les juridictions nationales, la CPI n’est compétente que lorsque les Etats refusent ou sont incapables de traduire les criminels en justice. De plus, le Statut contient des garanties efficaces contre des plaintes abusives, au premier rang desquelles la Chambre préliminaire, qui a été introduite sur l’initiative de la France pour « contrôler » les actes du Procureur.

Il n’était donc pas nécessaire pour la France d’utiliser l’article 124 mais il lui suffisait, en cas de plainte contre ses propres nationaux, de les faire juger par ses propres tribunaux.

Faut-il penser que l’on doute de la capacité des juridictions militaires à juger les soldats français ? L’article 124 est d’une certaine façon l’expression d’une crainte quelque peu « obsessionnelle » des autorités françaises d’être prises dans les rouages d’une justice internationale, ainsi qu’une défiance de nature souverainiste vis-à-vis d’un juge autre que national. Il faut souhaiter que cette défiance n’affectera pas à la baisse le contenu de la loi d’adaptation de la législation pénale française, notamment dans ses dispositions relatives à la compétence universelle et à ses mécanismes de coopération judiciaire.

A la veille de la cinquième session de la Commission préparatoire pour la Cour pénale internationale qui aura lieu au siège de l’ONU à New York du 12 au 30 juin prochain les Etats devront adopter le Règlement de procédure et de preuve et les Eléments constitutifs des crimes. La FIDH tient à faire part de ses vives préoccupations face à une proposition des Etats-Unis qui limiterait encore les possibilités de poursuivre l’auteur d’un crime international par la Cour. En effet, selon la proposition américaine, une personne qui agit « sous la direction générale d’un Etat » ne pourrait être remise à la Cour que si l’Etat dont il a la nationalité ou le Conseil de sécurité, en vertu du chapitre VII, y donnent leur consentement.

Cette proposition, si elle était adoptée, reviendrait à :

· Réintroduire en partie la théorie des actes officiels abandonnée depuis Nuremberg qui a consacré que « ce sont des hommes et non des entités abstraites qui commettent les crimes dont la répression s’impose, comme sanction du droit international »[1].

· Affaiblir le Statut et revenir sur le compromis politique adopté à Rome, en y apportant de facto des amendements, alors que seule une procédure spécifique (article 121) le permet ;

· Donner une prérogative exorbitante à l’Etat de la nationalité de l’accusé, et encore davantage si cet Etat est membre permanent du Conseil de sécurité.

La FIDH demande à tous les Etats, et notamment à ceux qui ont déjà ratifié le Statut de Rome d’être particulièrement vigilants et de refuser toute proposition qui serait de nature à violer l’intégrité du Statut, et ce pour le compte des Etats Unis dont l’unique objectif est de s’assurer que ses militaires ne seront jamais inquiétés et poursuivis devant la future CPI, qu’ils soient parties ou non au Statut.

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