République démocratique du Congo : Une réforme militaire est nécessaire d’urgence

16/04/2012
Rapport
RDC

Un nouveau rapport appelle la communauté internationale à ne pas gaspiller les milliards de dollars d’aide alloués à la RDC

La communauté internationale et le gouvernement congolais doivent de toute urgence parvenir à un nouvel accord sur la réforme du secteur militaire en République démocratique du Congo (RDC), indique un nouveau rapport publié par 13 éminentes organisations de la société civile internationale et congolaise. Ce rapport indique que l’absence d’une réforme du secteur de la sécurité en RDC met en péril non seulement l’impact des millions de dollars d’aide internationale accordée à la RDC, mais aussi la stabilité du pays.

« De nombreux problèmes liés au conflit en RDC, qui demeuraient apparemment insolubles, peuvent être imputés à des dysfonctionnements de l’armée, de la police et des tribunaux. Le gouvernement congolais n’a toujours pas entrepris d’action concrète pour réformer ces institutions cruciales  », déclare Emmanuel Kabengele, coordinateur national du Réseau de la société civile congolaise pour la Réforme du Secteur de la Sécurité et de la Justice (RRSSJ). « La communauté internationale a continué de soutenir le gouvernement en investissant des montants et des efforts importants, sans pour autant obtenir de résultats. Il est grand temps que les donateurs exigent du gouvernement congolais qu’il lance une véritable réforme de l’armée.  »

Le rapport, intitulé RDC : Prendre position sur la réforme du secteur de la sécurité et co-signé par 13 organisations et réseaux congolais et internationaux (liste des signataires ci-après), est le fruit de recherches approfondies et d’entretiens menés en RDC ainsi que dans les pays donateurs. Il montre que non seulement l’armée n’assure pas la sécurité mais s’en prend activement à la population, étant de fait un des principaux auteurs des atteintes aux droits humains dans le pays. « Un secteur de la sécurité efficace – organisé, équipé, formé et contrôlé – est essentiel pour résoudre de nombreux problèmes allant du recrutement d’enfants soldats, des déplacements de population et des viols, à la croissance économique ou encore au commerce des minerais qui alimente le conflit », déclarent les auteurs du rapport.

Le rapport conclut que la principale raison de l’échec de la réforme de l’armée en RDC est le manque de volonté politique de certains membres du gouvernement congolais – notamment ceux qui profitent de la corruption endémique.

« Les personnes haut placées qui, au sein du gouvernement et de l’armée, sont responsables des réformes, continuent de profiter de l’armée actuelle en se servant sur les salaires des troupes, en prélevant des pots-de-vin, en prenant part à l’exploitation ou au commerce illégal des minerais, ou encore en rackettant les gens en échange d’une protection », dénonce Dismas Kitenge, président de l’organisation congolaise Groupe Lotus et vice-président de la Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH).

Le rapport souligne le rôle essentiel que la communauté internationale doit jouer. En cinq ans, les pays donateurs ont à eux seuls investi plus de 14 milliards de dollars US en RDC. Pourtant, seul un pour cent de cette somme, soit 140 millions de dollars US, a été consacré à la réforme du secteur de la sécurité. L’aide internationale représente désormais près de la moitié du budget annuel de l’Etat congolais. Les donateurs peuvent donc avoir une influence considérable sur le pays. Or, malgré cet investissement colossal, la RDC a régressé : le pays occupe actuellement la dernière place du classement de l’ONU en termes de développement humain.

« L’investissement de la communauté internationale en RDC a conduit à de médiocres résultats. De nombreux groupes armés envoient des milliers d’enfants au combat, les femmes et les enfants continuent de souffrir de la violence. L’accès aux soins médicaux et à la sécurité restent des exceptions », rappelle Ben Affleck, acteur, directeur fondateur de l’Eastern Congo Initiative (ECI). « Les donateurs doivent convaincre le gouvernement congolais d’entreprendre une profonde réforme militaire. A moins de changer radicalement de méthode, nous risquons de perdre une grande partie des investissements déjà réalisés ».

Accepter le statu quo sur ces questions entraine un coût élevé pour la population congolaise mais aussi pour la communauté internationale. Outre les donateurs traditionnels – États-Unis, Union européenne, Royaume-Uni, France et Belgique –, des partenaires clés comme la Chine, l’Afrique du Sud et l’Angola ont tous intérêt à ce que la RDC jouisse d’une stabilité et d’une prospérité à long terme.

« Le nouveau gouvernement doit saisir l’opportunité de recentrer son action sur la mise en oeuvre d’une réforme de la sécurité effective et durable », affirme Pascal Kambale de l’Open Society Initiative for Southern Africa (OSISA). « Il est temps pour la communauté internationale et le gouvernement congolais d’oeuvrer à une réforme de la police et de l’armée qui permette au Congo de protéger ses propres civils  ».

Le rapport recommande notamment les mesures suivantes :

1. Au gouvernement congolais :

  • Réaffirmer au plus haut niveau l’engagement politique en faveur d’une réforme du secteur de la sécurité ; faire de la réforme de l’armée une priorité politique du nouveau gouvernement ; exclure des postes à responsabilités les individus qui entravent cette réforme, et au besoin les traduire en justice.
  • Avec les donateurs et les Nations unies (ONU), instaurer un organe de coordination efficace dédié à la réforme de l’armée.

2. À la communauté internationale et aux donateurs :

  • Lancer un forum de haut niveau sur la réforme du secteur de la sécurité (RSS) en RDC, réunissant des acteurs congolais, régionaux et internationaux afin de générer la volonté politique nécessaire pour la RSS.
  • Élargir l’actuel Groupe de contact pour les Grands Lacs afin qu’il intègre d’autres partenaires clés, tels que l’Angola, l’Afrique du Sud et la Chine, en vue d’améliorer la coordination entre donateurs.
  • Élaborer des critères permettant de mesurer les progrès réalisés en matière de RSS, par exemple s’agissant du respect des droits humains par l’armée et la mise en oeuvre d’un plan de réforme militaire ; faire du respect de ces critères l’une des conditions à l’octroi d’un soutien financier. »

3. Aux Nations unies :

  • Étendre les sanctions de l’ONU aux individus qui entravent la RSS.
  • Habiliter la MONUSCO à soutenir la réforme militaire et accroître les ressources dont elle dispose en matière de RSS.

Lire le rapport RDC : Prendre position sur la réforme du secteur de la sécurité

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