L’élection présidentielle d’octobre 2006 aura-t-elle lieu ?

06/07/2006
Rapport

Une mission de la FIDH, menée par son président, Sidiki Kaba, et sa vice-présidente, Souhayr Belhassen, s’est rendue en Côte d’Ivoire du 17 au 21 mai 2006.

La FIDH rend public une note de situation qui met en lumière les positions, préoccupations et interrogations des différents interlocuteurs des chargés de mission - au premier rang desquels, le chef de l’Etat, le ministre de la Justice et des droits de l’Homme, le leader des Forces nouvelles, des membres du Groupe de travail international et des représentants de la société civile, concernant l’effectivité et la faisabilité de la mise en oeuvre des différentes étapes de la feuille de route devant permettre l’organisation de l’élection présidentielle prévue le 31 octobre 2006.

La FIDH s’est principalement intéressée au processus concomitant d’identification et de désarmement, opérations cruciales pour la tenue d’élections libres et transparentes en ce qu’elles répondent aux exigences croisées des deux camps : le désarmement est une des exigences majeures du président Laurent Gbagbo et de ses partisans.

L’identification est au contraire l’une des principales revendications de la rébellion, dont les combattants veulent des papiers d’identité ivoiriens avant de déposer les armes. En dépit des préoccupations exprimées par chacune des parties en conflit sur la réelle volonté de l’autre camp de réaliser ces opérations, et du retard conséquent dans la mise en oeuvre de la feuille de route, la FIDH souligne les efforts entrepris par le Premier ministre pour démarrer les audiences foraines, phase pilote de l’opération d’identification, et le pré-regroupement des forces en présence. La FIDH a pu également obtenir l’assurance du chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, quant à sa volonté de désarmer toutes les forces, « y compris toutes les milices ». Selon les interlocuteurs de la FIDH, le succès de cette opération dépendra notamment du degré de prise en compte des miliciens dans le cadre du programme de démobilisation et de réinsertion.

La FIDH est par ailleurs préoccupée par l’absence totale d’actes posés par les acteurs du conflit et les juridictions ivoiriennes pour lutter contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves, violant ainsi les dispositions des accords de paix et les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies y afférentes. La FIDH considère que cette situation, source de conflit par la passé, hypothèque sérieusement la sortie de crise, compte tenu des graves violations des droits de l’Homme perpétrées encore aujourd’hui en Côte d’ivoire.

En insistant sur l’importance de la réalisation effective des différentes étapes de la feuille de route plus que sur le strict respect de la date de l’élection présidentielle, la FIDH recommande, notamment :


Au Gouvernement de transition et aux Forces Nouvelles

 d’accélérer la mise en œuvre effective du programme de désarmement, démobilisation et réinsertion, y compris de toutes les milices, et des opérations d’identification, conformément aux engagements pris par les principaux dirigeants politiques ivoiriens lors de leur réunion à Abidjan le 8 avril 2006 ("Yamoussoukro II"), sous les auspices du président de l’Union africaine ;

 de faciliter, entre autres mesures, l’extension sur le territoire des activités de la Commission électorale indépendante (CEI) et de la Commission nationale pour la supervision de l’identification (CNSI) - en y associant la société civile - afin d’accélérer le démarrage du processus électoral, conformément aux recommandations du Groupe de travail international ;


A la presse et aux partis politiques

 de cesser l’instauration du référent ethnique et régionaliste à des fins politiques et de destabilisation
Aux membres du Groupe de travail international

 d’harmoniser leur point de vue et taire leurs dissensions internes qui nuisent à la bonne exécution de la feuille de route ;

Au Conseil de sécurité des Nations unies

 d’imposer les mesures individuelles prévues aux paragraphes 9 et 11 de la résolution 1572 (2004), notamment à l’encontre de toute personne désignée par le Comité créé en vertu du paragraphe 14 de la résolution 1572 (2004) qui bloquerait la mise en œuvre du processus de paix, tel que défini par la résolution 1633 (2005) et par le communiqué final du Groupe international de travail, qui serait tenue responsable de graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire commises en Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002, qui inciterait publiquement à la haine et à la violence, et qui serait jugée en état d’infraction à l’embargo sur les armes ;

 de procéder, dans les meilleurs délais, à la publication du rapport de la Commission d’enquête des Nations unies sur les violations des droits humains commises depuis 2002 ;


Au Procureur de la Cour pénale internationale

 d’ouvrir, dans les plus brefs délais, une enquête sur la situation en Côte d’Ivoire, compte tenu de la saisine du gouvernement ivoirien d’avril 2003, des graves violations des droits de l’Homme perpétrées depuis le 1er juillet 2002 sur le territoire ivoirien et de l’absence de volonté des autorités judiciaires de lutter contre l’impunité de leurs auteurs.

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